Cérémonies commémoratives 2015 du débarquement de Provence

ceremonie 15 aout - Patch - F.Ba.

Les cérémonies commémoratives du débarquement du 15 août 1944 sur la plage de Pampelonne ont débuté samedi à 8h30, face à la mer, à la stèle du boulevard Patch avant de se poursuivre dans le village au Mémorial National des Anciens des Services Spéciaux, puis au monument aux morts.

La première gerbe a été déposée par le maire Roland Bruno accompagné du commandant de l’Escadrille des Sous-marins Nucléaires d’Attaque de la Méditerranée, le capitaine Sébastien Maloingne. Toutes les associations patriotiques étaient représentées, Anciens combattants, Souvenir français, Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale, Union Nationale des Anciens Combattants, ainsi que la Society of the 3rd Infantry Division.

Une fois les cérémonies terminées, le maire a prononcé une allocution sur le thème de la résistance, mettant en lumière le témoignage de Fernand Vié, premier adjoint honoraire, entré en résistance en 1943 à l’âge de 18 ans et qui fêtera cette année ses 90 ans.


Le discours de M. Roland Bruno

(vous pouvez télécharger le discours complet ici )

Commémoration du 15 août 1944

Extrait de l’allocution de Monsieur Roland Bruno,
Maire de Ramatuelle

Samedi 15 août 2015

Je suis très heureux de vous retrouver, aujourd’hui samedi 15 août, pour célébrer le 71ème anniversaire du débarquement de Provence, après les cérémonies au monument aux morts de la commune, au Mémorial National des Services Spéciaux de la Défense Nationale et, plus tôt ce matin, à la stèle du boulevard Patch, à Pampelonne.

 

Le 15 août est une date anniversaire particulièrement importante pour Ramatuelle et notre région.

 

Elle témoigne du temps qui passe. 71 ans, c’est beaucoup et les témoins du débarquement de Provence sont hélas de moins en moins nombreux.

 

L’an dernier, à cette même date, pour le 70ème anniversaire nous rendions, face à la mer, un hommage appuyé à la mémoire des soldats des Forces alliées ayant participé à la libération de notre pays, en présence de vétérans venus des Etats Unis.

 

Ce fut un moment très émouvant.

 

Je ne referai pas ce matin l’historique de cette journée de 1944 que vous connaissez tous. L’opération Dragoon, commandée par le général Patch, fut une incontestable réussite, et permit aux forces alliées de libérer la Provence, d’ouvrir un nouveau front et de remonter vers l’Allemagne, finalement vaincue.

 

Ce débarquement fut une bataille âpre, avec de nombreuses victimes, soldats venus du monde entier se sacrifiant pour notre liberté.

 

Cette année, je veux plus particulièrement rappeler l’histoire de ces hommes et de ces femmes de tous horizons sociaux et politiques, qui ont su dépasser les méfiances que provoquent l’occupation et qui se sont unis pour résister et contribuer à libérer le pays avec courage, en allant parfois jusqu’au sacrifice de leur vie.

 

A cet instant, j’ai une pensée pour des figures de notre village, aujourd’hui disparues, telles que Jeanne et Achille Ottou, Henri Olivier, Antoine Biancotto, René Antoine et plus récemment Hubert Marion et Etienne Fage, …

 

Nous avons la chance d’avoir parmi nous Fernand Vié, premier adjoint honoraire, membre de l’amicale des services spéciaux de la Défense nationale. Il était présent à Ramatuelle le jour du débarquement et, malgré son très jeune âge, prit part dès 1942 aux actions menées pour aider les combattants alliés à libérer notre village.

 

Dans quelques semaines Fernand fêtera son 90ème anniversaire. Son histoire est intimement liée au contexte de la résistance dans notre région, dont la Brigade des Maures fut l’élément central.

 

L’épisode de Fernand accrochant le drapeau français au sommet de l’église le jour du débarquement a été maintes fois relaté.

 

Cependant la voici à nouveau sous l’éclairage du témoignage de Fernand.

 

Le mardi 15 aout 1944, très tôt le matin, Fernand Vié retrouve Henri Olivier et Maximin Giraud sur la place de l’Ormeau.

Les deux hommes lui donnent un brassard de FFI. Il était également armé d’un petit révolver.

Fernand raconte :   « Nous avons dit aux habitants du village de s’enfermer chez eux. Puis Henri Oliver m’a demandé de rester derrière un muret et de guetter la montée de l’actuelle rue Victor Leon. J’ai vu passer une charrette avec deux hommes, je ne bougeais pas, je ne savais pas si c’était des américains.

Puis les jeeps sont arrivées et les tanks qui passaient tout juste entre les maisons de la rue du Clocher.

 

Dans l’affaire de quelques minutes, la place était inondée d’américains. C’est à ce moment- là qu’avec l’un d’entre eux, je suis monté au clocher de l’église accrocher le drapeau français pour signifier que le village était libéré. Je connaissais bien les lieux. Puis d’autres nous ont suivi et nous avons sonné le tocsin à tout va. Toutes les maisons se sont ouvertes et les habitants ont laissé éclater leur joie ».

 

Il faut remonter à 1942 pour comprendre la légitimité de son geste.

 

En 1942, Fernand a 17 ans. Il vit au 10 de l’avenue Georges-Clemenceau. Il est apprenti à l’usine de torpille. Marie, sa mère, a accepté d’accueillir en pension un jeune homme de Salerne, un peu plus jeune que Fernand : Maurice Jauffret. Lui aussi est apprenti à l’usine. Les deux garçons très débrouillards se lient d’amitié, sont inséparables et sillonnent le pays à vélo.

 

Le 11 novembre 1942 la zone libre est envahie par les Allemands et les Italiens. Les soldats de l’armée allemande, arrivent dans la région et dans la presqu’ile.

 

Le couvre-feu est instauré… L’occupant réquisitionne, s’installe tout comme s’installe la suspicion au sein de la population.

 

Qui résiste ?

 

Fernand et Maurice ne mettront pas longtemps à choisir leur camp.

 

Dans le même temps, de l’autre côté de la méditerranée, Alger devient la capitale de la France en guerre. Les services spéciaux renouent avec leurs camarades restés en France et la résistance s’organise. C’est en 1942 que naitra dans notre région une section du Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, pour regrouper les Résistants jusqu’à lors isolés ou divisés.

Jean Despas en prendra la tête en mars 1943. Des sous sections sont mises sur pied, à Sainte- Maxime, Grimaud, Cogolin, la Croix Valmer, La Foux, Cavalaire, la Garde Freinet et Ramatuelle.

 

Comme tous les jeunes du pays, Fernand et Maurice vont régulièrement boire le café au Café de l’Ormeau. Ils y croisent régulièrement Henri Olivier et Achille Ottou. Au début ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils parlent de tout et de rien, de la guerre, de l’avance des américains.  

 

Début 1943, Henri Olivier finit par approcher les deux garçons puis leur confie des missions de renseignement, de plus en plus risquées.

 

Des missions qui contribueront à la connaissance du terrain par les acteurs du futur.

 

En effet les renseignements rassemblés sur les dispositions allemandes le long de la cote ont permis de préparer avec précision le débarquement et l’envoi de commandos précurseurs.

 

Fernand raconte :   « Jean Bonnaure, un jeune homme de mon âge qui parlait couramment allemand est réquisitionné par l’ennemi pour servir d’interprète. Il est régulièrement sollicité lors d’arrestations ou de convocations d’élus locaux dans les différents campements ou Quartiers Généraux des allemands : à la Croix-Valmer, Gassin, Ramatuelle, Boulevard Patch…

Jean Bonnaure observait tout ce qu’il pouvait et nous rapportait de précieuses informations comme le nombre de soldats croisés, le type d’armement ou d’équipement qu’il avait vu.

J’ai soigneusement reproduit toutes ces informations sur une carte d’Etat Major que j’ai restituée à Achille Ottou.

 

Fernand et Maurice n’avaient pas vraiment conscience du danger. Jeunesse insouciante, convaincue de son invincibilité…   Mais un événement grave les fera murir.

 

Depuis les côtes de l’Algérie, le sous-marin Casabianca fait  des liaisons par la mer. Des courriers et de nombreuses personnalités rejoignent Alger par le « tube » régulier Alger-Provence.

 

Au péril de sa vie, Achille Ottou, dans sa maison des Tournels avec sa mère et sa sœur Jeanne, assurent les transits, aller et retour, pour la Corse et l’Afrique du Nord. Achille Ottou conduit à la Roche d’Escudelier les personnes en partance et prend en charge ceux qui arrivent en mission.

 

La campagne ramatuelloise devient une des plaques tournante des agents des services spéciaux français, britanniques, américains et des porteurs de courriers.

 

De février à novembre 1943, plusieurs opérations ont eu lieu avec succès mais la dernière sera annulée suite au piège dans lequel tombera Alphonse Alphaser dans la nuit du 25 au 26 novembre. Alphonse Alphaser faisait partie d’un commando qui devait s’embarquer sur le Casabianca avec la fille du Général Giraud. Suite à une dénonciation, il est pris dans une embuscade et sera abattu en protégeant ceux qu’il accompagnait.

 

C’est en janvier 1944 que Fernand Vié intègre officiellement le Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France.

 

Son nom de guerre est Romain Gabin.

 

Le 6 juin 1944, les américains débarquent en Normandie. Les résistants sont en alerte et sont persuadés que le débarquement de Provence est imminent. Il faut qu’ils rejoignent les maquis.

 

Henri Olivier l’agent de liaison demande à Fernand et Maurice d’être prêts le 8 juin, pour se rendre au maquis de La Mourre, sur la commune de la Garde-Freinet et du Col du Vinon.

 

Le maquis de La Mourre se trouve à deux kilomètres du hameau. Tous les maquisards partent à vélo, deux par deux. Henri Olivier remet à chacun un kilo de pates alimentaire et de la confiture.

Fernand et Maurice quittent Ramatuelle à 5 heures du matin, passent par la Mort du Luc, Grimaud, Val de Gilly, La Garde Freinet et suivent la route vers Vidauban.

A l’embranchement de la route entre Vidauban et La Mourre, ils sont attendus par un homme qui leur lance : « mot de passe ! ».

« La Saint Jean c’est le 24 juin » répond Fernand.

 

Il raconte :

« On descend le chemin et on arrive à une vieille et petite ferme prêtée par Monsieur Bonnissone. Nous sommes surpris d’être les premiers. Le lieutenant   François Pelletier nous accueille avec Fernand Bessy. Ils nous montrent où cacher les vélos. Nous déposons nos vivres. Puis arrivent les autres maquisards à vélo, au compte gouttes : en tout 20 copains de Ramatuelle, 3 de Sainte Maxime, 2 de Cavalaire. Un mélange de jeunes et de plus vieux.

Nous sentions que dans la ferme nous n’étions pas en sécurité. Les armes étaient cachées dans une ancienne fosse à purin.

Entre la route et le maquis il y avait un sommet assez haut depuis lequel on voyait bien la plaine du Plan de la Tour. Nous y avons construit un camp et créé une ceinture en pierre.

On attendait le débarquement de Provence. Notre rôle aurait été d’empêcher les troupes allemandes d’arriver à la côte et François Pelletier espérait un parachutage d’armes qui n’a pas eu lieu à ce moment-là.

Un soir alors que nous étions en train de manger, une femme est arrivée en courant pour nous prévenir que les allemands étaient en train de réquisitionner les maisons du hameau de La Mourre. Nous avons rassemblé et monté les armes au fortin. Il n’y avait pas grand-chose : trois mitraillettes, deux fusils de la guerre 14, quelques grenades et un revolver.

Oui, à ce moment- là nous étions prêts à nous faire tuer. Oui, certains ont eu très peur et sont rentrés chez eux.

Après quelques jours, nous avons finalement reçu l’ordre de quitter le maquis de La Mourre. Le débarquement était remis à plus tard. »

  

On connait la suite, François Pelletier sera arrêté, torturé et mourra à Signes. Fernand Bessy sera abattu le jour du débarquement, à Sainte-Maxime. 

 

Alors aujourd’hui, je tiens à saluer Fernand qui nous a livré ce précieux témoignage et bien d’autres encore que nous conservons avec soin.

 

Je salue les représentants de l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux, en la personne de notre délégué départemental, le colonel Jean-Pierre Berthomieu qui représente le délégué national le Colonel Henri Debrun, toujours fidèle à notre commune, héritier de la mémoire de tous ces agents des services de renseignement qui ont transité par notre territoire, et dont les noms figurent sur le monument national érigé en leur mémoire.

 

Je tiens à saluer le capitaine de vaisseau Sébastien Maloingne, ainsi que les hommes et les femmes de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque de la Méditerranée, dignes successeurs des combattants du 15 août 1944, je les remercie une nouvelle fois de leur présence, confirmant là,  la force de la promesse solennelle d’amitié existant entre notre commune et l’escadrille, signée le 6 mars 2005.

  

Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons compter sur vous pour défendre notre pays, nos libertés, et porter en dehors de nos frontières les valeurs de la République française de Liberté d’Egalité et de Fraternité.

 

Je tiens enfin à saluer les anciens combattants, fidèles à nos cérémonies, avec leurs présidents, Georges Franco, ainsi qu’Odile Truc présidente du comité local du Souvenir français, les représentants des autres associations patriotiques, les porte-drapeaux, et tous les participants à cette cérémonie.

 

J’ai une pensée pour François Romano, président de l’AMMAC, hospitalisé, qui je l’espère sera prochainement avec nous.

 

Vous tous, cultivez ce devoir de mémoire qui demeure le lien entre les générations, pour ne pas oublier le sacrifice de nos aînés. Et c’est pour lutter contre l’oubli que perdurent les cérémonies commémoratives qui sont autant d’appels à la vigilance et à la résistance.

 

Vive Ramatuelle, vive la République, vive la France !

Reportage photo

P1380016

P1380086

P1380100

P1380114

P1380151

P1380152