Cérémonies du 11 novembre 2017

Commémoration de l’armistice du 11 novembre 2018
et du centenaire de la première guerre mondiale

 

 

Les cérémonies commémorant le 99ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 ont rassemblé samedi matin le maire de la commune Roland Bruno, les élus, les représentants des associations patriotiques, les anciens combattants, le souvenir Français, les anciens des services spéciaux de la défense Nationale et les anciens marins et marins combattants pour un hommage aux disparus de la première guerre mondiale.

Dans le cadre de la promesse solennelle d’amitié qui lie la commune aux marins de l’Escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque, une délégation de marins étaient également présente, sous le commandement du capitaine de vaisseau, Cyril de Jaurias.

Après le dépôt de gerbe au pied du mémorial National des services spéciaux de la défense Nationale, le cortège s’est dirigé vers le cimetière. Les enfants, encadrés par le directeur de l’école, Jonathan Lerda,  ont honoré le nom de chaque mort pour la France gravé sur le monument puis ils ont déposé des bouquets. La jeune Amélie Sheffield a lu le poème « Dolce Decorum » écrit en 1917 par Wilfred Owen, poète anglais mort au combat en 1918. Puis le maire, accompagné de Lynn Young, Odile Truc, Georges Franco et Amélie Sheffield, a déposé un bouquet sur la tombe des deux soldats anglais Lewis Buckley Marsland et Harry Walker, dont les corps ont été retrouvés il y a 100 ans, en mai 1917, du côté de Camarat et qui sont inhumés près du monument aux morts.

Juste avant le verre de l’amitié, dans son discours (lire ci-dessous), le maire a rappelé au souvenir de chacun,  l’histoire particulière de ces deux soldats ainsi que celle du Ramatuellois Joseph Briffa, mort des suites de ses blessures en juin 1917, près du Chemin des Dames.


Discours de M. le maire de Ramatuelle

Commémoration du 99ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre et du centenaire de la première guerre mondiale

samedi 11 novembre 2017, 11h30, école Gérard-Philipe

Allocution de Monsieur Roland Bruno,

Maire de Ramatuelle

_______________________________________

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Comme chaque année, vous êtes venus pour célébrer le souvenir des soldats morts pour la France dans cet effroyable conflit que fut la première guerre mondiale

Le samedi 1er août 1914, à 16 heures, tous les clochers de France faisaient entendre le tocsin qui sonnait la mobilisation  des hommes soumis aux obligations militaires de l’âge de vingt ans jusqu’à quarante. A ce moment-là, se battre était l’évidence.

S’en suivirent quatre années de chaos total et la disparition d’ 1 million 400 mille soldats français dont la moitié des jeunes, âgés de 20 ans en 1914.

Nous rendons hommage à cette jeunesse sacrifiée ainsi qu’aux milliers de « gueules cassées », de mutilés et de traumatisés, qui deviendront les symboles d’une guerre particulièrement destructrice et que nous nous efforçons de ne pas oublier.

Lors des cérémonies commémoratives, nous évoquons nos disparus, mais nous oublions souvent de parler des autres, ceux qui ont survécu à l’horreur.

Le Conseil municipal de l’époque, conduit par Polycarpe Benet a continué à siéger durant ces tragiques années.

On a peine à imaginer  ce que fut cette période pour le village, sans hommes valides dans une commune où les travaux agricoles étaient prédominants.

On a peine à imaginer l’attente interminable des familles, l’annonce des décès, le retour des blessés, des gazés, des traumatisés ; le sentiment d’injustice et la douleur des parents qui ont souvent préféré se taire et l’occulter.

Ramatuelle, comme tous les villages de France, n’échappe pas à la règle et paye un lourd tribut à cette tragédie.

Entre août 1914 et septembre 1918, vingt-quatre jeunes Ramatuellois sont morts au combat ou des suites de leurs blessures.

Leurs noms sont inscrits sur le monument aux morts érigé en leur mémoire dès 1919, grâce à une souscription publique votée par le Conseil municipal le 1er décembre 1918.

« Les générations futures conserveront ainsi précieusement le souvenir de ces héros, qui ont sauvé, au prix de leur sang, la liberté du monde »  avait écrit Polycarpe Benet.

Afin de mieux les rappeler à notre souvenir, depuis le début de la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale, nous mettons chaque année en lumière le parcours de ces jeunes villageois,  morts pour la France.

Polycarpe Benet, tenait méticuleusement les registres de la mairie, de sa belle écriture penchée, si bien qu’aujourd’hui l’histoire peut se raconter facilement pour qui s’y intéresse.

Pour la période d’Aout 1914 à décembre 1916, nous avons rappelé le destin brisé de dix-sept jeunes garçons du pays, pour la plupart, simples chasseurs Alpins rattachés au tristement célèbre XVème corps d’armée.

Nos recherches ont souvent montré que leurs disparitions sont rattachées aux champs de batailles historiques et sanglants : ceux de la Marne, de Verdun et de la Somme.

En 1917 ce sera l’offensive Nivelle et le Chemin des dames : un échec sanglant ou périrent en avril des dizaines de milliers d’hommes avant les mutineries de mai-juin.   

 

Joseph Briffa est mort pour la France à l’âge de 25 ans, des suites de ses blessures à l’hôpital où il a été transporté dans l’Aisne. Il a été mortellement blessé à Craonne, Chemin des dames,  justement, en juin 1917.

Joseph Briffa est le grand oncle d’Henri Berenguier et l’arrière grand-oncle de Guillaume Berenguier, actuel exploitant du Restaurant Chez Camille.

Henri Berenguier,  83 ans cette année, se souvient bien de sa grand-mère Julie Briffa, la grande sœur du jeune soldat mort à la guerre. Elle n’avait jamais parlé de lui. Ni son grand-père, Alexandre Guillaume Berenguier. Ce dernier avait pourtant été envoyé au front. « Les anciens ne parlaient pas de ces choses-là » a commenté Henri.

 

Joseph Briffa est né à Hyères le 24 mars 1892.  Son père, absent à sa naissance, était natif d’Algérie,  sa mère,  Marie Jeanne venait de Rezzo, en Italie. Toute laisse à penser que Marie-Jeanne, bouchonnière, n’a pas eu la vie facile pour élever ses enfants Julie et Joseph.  

Joseph à du grandir auprès de sa mère venue s’installer à Saint-Tropez et de sa grande sœur, Julie, domiciliée à Ramatuelle, du côté de Bonne-Terrasse depuis qu’elle avait épousé le marin pêcheur, Alexandre Guillaume Bérenguier.

A 20 ans, Joseph est appelé et déclaré bon pour le service à Toulon, le 1er octobre 1913. Son livret militaire indique qu’il est cuisinier de métier. Il a les yeux bleus et les cheveux châtains, le front haut. Il mesure 1 mètres 63. 

Incorporé dans la 25ème section d’infirmiers militaires,  il rejoint une division des troupes coloniales qui occupaient la Tunisie à la veille de la grande guerre. Les infirmiers militaires recrutés parmi les soldats  sachant  lire et n’ayant aucune condamnation  suivaient une période d’instruction durant trois mois.

A la mobilisation d’août 1914,  avec un certificat de bonne conduite,  il est incorporé à la 15ème section d’infirmiers qui suit les bataillons de soldats du 15ème Corps.

Le 30 juin 2016 il intègre le 23ème bataillon de chasseurs à pieds comme simple soldat : il est blessé une première fois le 5 novembre 1916 dans le bois de Saint-Pierre-de-Vaast dans la Somme d’une « plaie pénétrante face interne du talon ».

Il ne devait pas être très loin de  Maurice Desderi,  que nous avons mis à l’honneur l’année dernière,  soldat 2ème classe du 115ème bataillon de chasseurs à Pieds qui est tué à l’ennemi le même jour, en repoussant les attaques à la grenade sur la lisière du bois. Ce jour-là, un violent bombardement s’est abattu sur le village qui allait tuer 30 sous-officiers et chasseurs, et blesser 1 officier ainsi que 33 chasseurs.   

Joseph Briffa est soigné puis il est affecté à la gestion des « subsistances » au dépôt des chasseurs alpins à Villefranche-sur-mer. On peut imaginer qu’il oeuvrait en tant que cuisinier.

Puis, le 14 mai 1917, il est renvoyé au front avec le 46ème bataillon de chasseurs à pied.

Là, il est  blessé d’une plaie articulaire au genou le 11 juin, carrière de Craonne, dans la tranchée de Montmirail, au Chemin des dames.  Il est évacué à 16 kilomètres du front, à l’hôpital de Montigny-sur-Vesle, un « hôpital  d’origine des évacuations », précisent les registres, composé de 150 baraques  pour 1000 lits, et qui  avait été partiellement bombardé une semaine plus tôt, dans la nuit du 4 juin.

Le 18 juin, sur son lit d’agonie, il y reçoit les insignes des blessés de guerre avec son diplôme et la médaille militaire, et il décède le lendemain des suites de ses blessures. Il est inhumé le 21 juin au cimetière militaire de Montigny-sur-Vesle.

Sa tombe porte le numéro 17.

 

On le voit, de l’âge de 20 ans à l’âge de 25 ans Joseph Briffa n’aura donc connu que la guerre. Il est un exemple de cette jeunesse dont l’existence a été sacrifiée.

1917 est également l’année où les allemands engagent une guerre sous-marine à outrance avec leurs Unterseeboot, les fameux sous-marins U-Boat, contre les États-Unis. Une position qui pousse les Américains à entrer officiellement en guerre en avril aux côtés des alliés.

Les destins individuels n’échappent pas aux catastrophes historiques… Et notre rôle est de tenter d’établir le trait d’union entre le phénomène mondial,  national et les conséquences locales.

A la liste de ces vingt-quatre soldats qui figurent sur notre monument aux morts, s’ajoutent ainsi les nom de deux soldats Britanniques dont les corps ont été rejetés par la mer et retrouvés par des habitants du village, le 11 puis le 16 mai  1917, près du poste des Douanes de Camarat. Nous leur avons rendus hommage tout à l’heure au cimetière.

Georges Franco, président de l’association des anciens combattants et petit neveu de Polycarpe Bennet,  a conservé de précieux documents, dont un brouillon de courrier que le maire de l’époque avait écrit au préfet du Var afin de lui signaler la triste découverte.

« Les honneurs de la sépulture leur ont été rendus dans un lieu distinct et séparé du cimetière d’où ils pourront être retirés » écrivait le maire qui donnait un descriptif précis des deux hommes ainsi que les informations relevées sur leur uniforme, demandant que « soit établies leurs identités véritables » et prévenues les familles.

 

Le premier,  Lewis Buckley Marsland, âgé de 30 ans, était originaire de la région de Manchester où il était marié et père d’un enfant. Agent d’assurance, et connu dans son village pour son engagement auprès de l’ordre des templiers,  il avait été enrôlé en novembre 1916 par les Medical Corps de la Royal Army. Il portait notamment un écusson de la croix rouge à la manche gauche de son uniforme. 

« Il est arrivé à la plage à califourchon sur une échelle portant le nom « Transylvania » précise Polycarpe Bennet dans son courrier.

Cette information laissait peu de doute quant à la provenance du corps puisque le 4 mai, à 10 heures du matin, le paquebot vapeur Transylvania, qui avait été réquisitionné pour transporter des troupes britanniques vers l’Egypte, avait été coulé par un U-boat ennemi.

Parti de Marseille la veille, il fut torpillé deux fois, au large du golfe de Gênes, par le sous-marin qui l’envoya par le fond en très peu de temps. Les soldats Britanniques transportés par le paquebot devaient rejoindre le front Turc en Palestine.  

Sur les 3060 personnes embarquées, 10 membres d’équipage, 29 officiers et 373 soldats ont perdu la vie. De nombreux corps ont été repêchés et enterrés à Savone en Italie. L’épave elle-même n’a été repérée qu’en 2011.

Le  corps du second britannique, Harry Walker, âgé de 37 ans,  fut retrouvé le 16 mai, au même endroit que celui de son camarade. Ce père de famille vivait près de Liverpool avec sa femme et ses trois enfants. Quand il est enrôlé dans le Service Corps de la Royal Army, il exerçait le métier de mécanicien chauffeur.  Le Transylvania transportait en effet de nombreux véhicules militaires et des ambulances.

Les corps des deux soldats n’ont pas été rapatriés en Angleterre par les familles.

Le ministère des affaires étrangères de Grande Bretagne a pris à sa charge  la réalisation de deux stèles blanches qui marquent les deux tombes creusées à quelques mètres du monument aux morts. Celles que nous avons fleuries tout à l’heure. Ces tombes sont régulièrement fleuries par des ressortissants britanniques locaux ou de passage,  car elles sont signalées dans les guides touristiques. 

 

L’histoire nous apprend que la paix est sans cesse remise en question, par la folie des hommes.

La cérémonie du 11 novembre nous permet aussi de penser à ceux qui ont combattu dans  les conflits qui ont suivi la Grande Guerre.

D’autres enfants de Ramatuelle perdront leur vie au cours de la 2ème guerre mondiale et durant la guerre d’Algérie et leurs noms figurent également sur monument aux Morts. Le mémorial National des Services Spéciaux de la Défense Nationale nous a également rappelés ce matin le sacrifice des soldats de l’ombre.

Je tiens à saluer à Fernand Vié, premier adjoint honoraire et le remercier, une fois encore,  pour engagement au service de la France et des Ramatuellois, que ce soit à travers la résistance et la Brigade des Maures ou au sein du Conseil municipal durant 36 ans. Merci Fernand d’être là.

Je tiens à remercier le capitaine de vaisseau,  Cyril de Jaurias,  commandant de l’Escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque et les marins qui l’accompagnent aujourd’hui.

Commandant, je vous remercie de m’avoir signifié l’importance que vous accordez aux liens qui unissent la commune depuis plusieurs années à l’escadrille des sousmarins nucléaire d’attaque dont les marins honorent avec assiduité notre engagement mutuel,  pris à travers la promesse solennelle d’amitié.

C’est l’occasion, pour nous, de rendre hommage, à travers vous, à tous ces combattants qui portent très haut, partout et à chaque instant les couleurs et les valeurs de notre pays et c’est avec plaisir que je vous passe la parole : (le laisser expliquer le Casablanca)

Je remercie l’adjudant Alexandre Massa, représentant le major Raphael Robinet commandant la brigade de gendarmerie de Saint-Tropez ainsi que Jean-Pierre Bianchi, chef du centre d’incendie et de secours de Saint-Tropez, représenté à chacune de nos cérémonies.

Je salue nos anciens combattants, fidèles derrière leur président, Georges Franco, les anciens marins, marins anciens combattants, autour de François Romano, le Souvenir français, avec Odile Truc, ainsi que les portes drapeaux.

J’ai une pensée toute particulière pour Daniel Ponnelle et Ernest Dauphin, très récemment disparus. Deux anciens combattants, fidèles, engagés,  discrets et qui nous manquent aujourd’hui.

Je tiens également à remercier le directeur de l’école Jonathan Lerda,  les enseignants et les parents concernés qui accompagnent les enfants afin qu’ils participent aux manifestations commémoratives.

Je crois que la première guerre mondiale est encore au programme du CM2 et plus tard, de la 3ème ?

Je remercie particulièrement Madame Sheffield et ses enfants Amélie et Teo, qui ont toujours participé aux cérémonies patriotiques du village.

La persistance du devoir de mémoire, si présent et si sincère dans notre commune, nous permet de ne pas oublier tous ceux, connus ou moins connus, qui, par leur dévouement, ont permis à notre pays de triompher au nom de la liberté.

Et je pense que les enfants de notre village y sont particulièrement sensibles en grandissant car des générations d’élèves ont prononcé à leur tour « mort pour la France » à l’appel du nom des sacrifiés auxquels nous rendons hommage aujourd’hui. Il faudra cependant toujours veiller à trouver un sens particulier à nos cérémonies pour continuer à les y intéresser et l’implication des enseignants et des parents est en cela très importante.

D’autres combats sont encore à mener sur notre planète, sous d’autres formes, pour que nos valeurs, celles de liberté, d’égalité, de fraternité, rayonnent dans le monde.

Pour que, surtout, les luttes de nos aînés n’aient pas été vaines et que le souvenir du sacrifice des combattants de la grande guerre renforce notre détermination à œuvrer inlassablement pour la paix.

Vive Ramatuelle, vive la République, vive la France !

Poème de Wilfred Owen

Dulce Et Decorum Est   

Bent double, like old beggars under sacks,
Knock-kneed, coughing like hags, we cursed through sludge,
Till on the haunting flares we turned our backs
And towards our distant rest began to trudge.
Men marched asleep. Many had lost their boots
But limped on, blood-shod. All went lame; all blind;
Drunk with fatigue; deaf even to the hoots
Of tired, outstripped Five-Nines that dropped behind.

Gas! Gas! Quick, boys!–An ecstasy of fumbling,
Fitting the clumsy helmets just in time;
But someone still was yelling out and stumbling
And flound’ring like a man in fire or lime…
Dim, through the misty panes and thick green light,
As under a green sea, I saw him drowning.

In all my dreams, before my helpless sight,
He plunges at me, guttering, choking, drowning.

If in some smothering dreams you too could pace
Behind the wagon that we flung him in,
And watch the white eyes writhing in h

is face,
His hanging face, like a devil’s sick of sin;
If you could hear, at every jolt, the blood
Come gargling from the froth-corrupted lungs,
Obscene as cancer, bitter as the cud
Of vile, incurable sores on innocent tongues, —
My friend, you would not tell with such high zest
To children ardent for some desperate glory,
The old Lie: Dulce et decorum est
Pro patria mori.

Wilfred Owen

Dulce Et Decorum Est

Pliés en deux, tels de vieux mendiants sous leur sac,
Harpies cagneuses et crachotantes, à coups de jurons
Nous pataugions dans la gadoue, hors des obsédants éclairs,
Et pesamment clopinions vers notre lointain repos.
On marche en dormant. Beaucoup ont perdu leurs bottes
Et s’en vont, boiteux chaussés de sang, estropiés, aveugles ;
Ivres de fatigue, sourds même aux hululements estompés
Des Cinq-Neuf distancés qui s’abattent vers l’arrière .

Le gaz ! Le gaz ! Vite, les gars ! Effarés et à tâtons
Coiffant juste à temps les casques malaisés ;
Mais quelqu’un hurle encore et trébuche
Et s’effondre, se débattant, comme enlisé dans le feu ou la chaux…
Vaguement, par les vitres embuées, l’épaisse lumière verte,
Comme sous un océan de vert, je le vis se noyer.

Dans tous mes rêves, sous mes yeux impuissants,
Il plonge vers moi, se vide à flots, s’étouffe, il se noie.

Qu’en des rêves suffocants vos pas à vous aussi
Suivent le fourgon où nous l’avons jeté,
Que votre regard croise ces yeux blancs convulsés,
Cette face qui pend, comme d’un démon écœuré de péché ;
Que votre oreille à chaque cahot capte ces gargouillis
De sang jaillissant des poumons rongés d’écume,
Ce cancer obscène, ce rebut d’amertume tel, immonde,
L’ulcère à jamais corrompant la langue innocente, —
Ami, avec ce bel entrain plus ne direz
Aux enfants brûlant de gloire désespérée,
Ce mensonge de toujours : Dulce et decorum est
Pro patria mori .

Reportage photo